La Chaire RENEL souhaite la bienvenue à Maxime Desmarais-Tremblay, enseignant-chercheur. Récemment arrivé à l’Université de Lorraine, il nous dévoile son parcours ainsi que ses ambitions au sein de la Chaire.
Bonjour Maxime, peux-tu nous parler de ton parcours universitaire jusqu’ici ?
J’ai commencé mes études universitaires en sciences à l’Université de Montréal. Je m’intéressais tout particulièrement aux lois de la nature, à la physique et aux mathématiques. Je me suis vite passionné pour l’histoire et la philosophie des sciences. Puis j’ai découvert l’économie, qui m’a semblé de prime abord une science drôlement construite, mais avec des prétentions immenses. J’avais de nombreuses questions sur l’histoire et les fondements de l’économie auxquelles les réponses ne semblaient pas évidentes. J’ai donc décidé d’étudier cette thématique en m’inscrivant au Master 2 « Économie et Sciences Humaines : Épistémologie, Méthodes, Théories » à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Par la suite, j’ai eu la chance de faire une thèse en cotutelle entre cette même université et l’Université de Lausanne, en Suisse, où j’ai été assistant pendant cinq ans. Ce fut un environnement interdisciplinaire très riche. Les questions environnementales étaient bien présentes dans nos discussions. Pendant la thèse, j’ai pu faire un séjour de mobilité d’une année au Center for the Philosophy of Natural and Social Science à la London School of Economics.
Après la thèse, j’ai décroché un poste d’enseignant-chercheur à l’Institute of Management Studies de Goldsmiths, University of London. À Goldsmiths, j’ai pu élargir mon réseau international et construire mon programme de recherche en histoire de la pensée économique. J’ai notamment passé un trimestre comme chercheur invité au Center for the History of Political Economy à Duke University en Caroline du Nord. À Goldsmiths, j’ai beaucoup appris auprès d’étudiants et de collègues pour qui les priorités d’enseignement et de recherche devaient refléter les préoccupations sociales importantes, notamment les luttes pour la justice sociale et climatique.
En décembre 2023, j’ai rejoint l’Université de Lorraine et le BETA en tant que titulaire de la Chaire de professeur junior sur les modalités de l’intervention publique pour une société en transition.
Un parcours riche en rencontres et déplacements ! Quelles ont été les motivations qui t’ont incité à rejoindre la Chaire ?
Le foisonnement de la recherche à l’Université de Lorraine est une des raisons qui m’ont attiré ici. J’ai découvert la chaire (et son beau site web !) au moment d’appliquer pour le poste de CPJ en 2023. Puis j’ai eu l’occasion de rencontrer des collègues sympathiques qui travaillaient sur des questions très importantes à mon arrivée à Nancy. Alexandre Mayol m’a invité à participer à une demi-journée d’étude organisée par la chaire où je suis intervenu sur l’histoire de l’économie de l’environnement en janvier 2024.
Je pense qu’il est très important de progresser sur les problèmes politiques et économiques de la transition. Et je suis convaincu que les avancées réelles ne peuvent se faire qu’en croisant les regards disciplinaires et en dialogue avec les acteurs locaux qui comprennent souvent mieux les institutions et les pratiques de gestion des ressources que nombre d’académiques. Je suis donc très fier de pouvoir m’associer à la Chaire RENEL pour élargir mes horizons de recherche et amorcer de nouvelles collaborations.
Quelles sont tes perspectives de projet au sein de la Chaire ?
Je m’intéresse aux fondements éthiques de la science économique. L’économie normative d’aujourd’hui peine à relever certains défis auxquels font face les sociétés démocratiques au début du XXIe siècle, notamment l’accompagnement à la transition écologique. Les experts s’entendent sur les méthodes et bien souvent sur les instruments, comme la taxation du carbone.
Toutefois, un écart important subsiste entre les politiques qui font consensus parmi les experts et celles qui sont appuyées par la population et implémentées par leurs représentants. J’aimerais réfléchir aux fondements normatifs de l’action publique dans un dialogue interdisciplinaire, notamment avec la philosophie et le droit.
Je voudrais proposer des pistes pour une nouvelle théorie principielle de l’action publique reposant sur une théorie morale ‘expressiviste’ et pluraliste. Les théories ‘expressivistes’ des valeurs définissent l’action rationnelle comme une action qui exprime adéquatement nos attitudes envers les personnes, les animaux et les choses. Contre le monisme éthique, la théorie pluraliste reconnaît que les personnes accordent certes une valeur aux conséquences de leurs actions, mais aussi aux intentions et aux vertus. Elle reconnaît que les valeurs peuvent être en tension et explique que les conflits au niveau individuel peuvent être résolus dans l’effort réflexif de compréhension de soi. Par exemple, l’analyse coût-bénéfice offre un guide clair à la prise de décision, mais ses conclusions sont souvent rejetées par la population parce qu’elles ne capturent pas adéquatement la façon dont les gens accordent de la valeur au terroir, ou à l’environnement naturel.
Merci Maxime, en espérant lire tes travaux bientôt !
Par Lola Pero.